L’amour
Pourquoi répandre tant de larmes
Dans ce monde où Ton vit un jour ?
Cette vie est-elle sans charmes
Puisque le Ciel y mit l’amour ?
L’amour, lueur qui d’abord passe
Et qui tremble devant nos yeux,
Pleine de douceur et de grâce
Comme un rayon mystérieux !
Oiseau béni des fleurs écloses,
Qui de l’aile donne un baiser
Et qui cherche parmi les roses
Une tige pour se poser !
Le front nuageux de la haine
Jette le cri : « Retire-toi » ;
Mais l’amour dit à l’âme humaine :
« Je te chéris, oh ! viens à moi. »
L’herbe des prés dit à l’aurore :
« Je languis, verse-moi tes eaux » ;
Le cœur dit au cœur qu’il adore :
« Tu pleures, conte-moi tes maux. »
L’orme dit à la terre blême :
« J’ai de l’ombre, prends ma fraîcheur » ;
L’amour dit à l’objet qu’il aime :
« Je suis heureux, prends mon bonheur. »
Ô tendre union qui rapproche,
Belle chaîne de soie et d’or,
Ô doux lien où le reproche
Est si charmant qu’il plaît encor !
Dans cet univers magnifique
Où se meut la création,
Tout n’est qu’amour, élan mystique,
Délicieuse effusion.
La terre donne à l’homme, au monde
Ses fleurs, ses liqueurs et ses fruits ;
L’homme lui-même la féconde
Pendant les jours, pendant les nuits.
Ne faut-il pas que l’âme à l’âme
Se livre et donne, quelque jour,
Son parfum, sa chaleur, sa flamme
Et le printemps de son amour ?
Xavier DELOZE.
Paru dans L’Année des poètes en 1896.