Le temps approche
Te voilà donc, vieux cœur, devant l’Éternité,
Te voilà, corps et âme, au sommet de la roche
Où la route s’achève ainsi que le temps proche ;
Bientôt, tu vas connaître un seuil de Vérité.
Et ton orgueil qui faisait croire à ton soleil
Pâlira-t-il devant l’éclat de la Lumière,
Saura-t-il s’incliner devant la Loi première
Qui rénove l’Amour dans un splendide éveil ?
Quand l’Archange impassible appellera ton nom,
Que diras-tu, pauvre homme, à la Haute Insistance
Quand ton cœur, soudain seul, perdra son éloquence
Et qu’il faudra répondre ou par oui, ou par non ?
Tu sentiras frémir ton passé contre toi,
Tes actes surgiront de tes heures chagrines ;
Il ne sera plus temps de frapper ta poitrine
Car déjà le Divin pèsera ton émoi.
Et ta lèvre immobile au dernier mot d’amour
Ne conservera plus que le goût de la cendre ;
Ton geste inachevé ne pourra se reprendre
Et tu regretteras d’avoir vécu tes jours ;
Tes jours impurs attristeront ton au-delà ;
Il te faudra quitter tous tes anciens mensonges,
Croire au destin réel pour oublier tes songes
Devant la loi du Juste, et ton cœur tremblera.
Pour implorer ta vie au royaume éternel,
Quelle sera l’offrande au creux de tes mains nues ?
Et si tes charités ne sont pas retenues
Quel écho renverra ton déchirant appel ?
Qui répondra pour toi au Tribunal divin,
Qui dira la parole atténuant le blâme,
Sinon ton Oiseau Bleu qui t’a refleuri l’âme
Et dont l’amour pour toi n’aura pas été vain !
Tu te sens mieux déjà pour affronter la Mort
Car tu crois maintenant à la Miséricorde
Et que le flot du Temps où nul être n’aborde,
En calmant sa tempête, adoucira ton sort.
Tu sais que l’homme, enfin, qui gaspille ses dons,
Ne peut être, à jamais, que sa propre victime,
Mais devant la Justice, à la seconde ultime,
Un seul élan d’amour provoque le pardon !
Maurice DELORME, Émergence, 1959.