Vanité du siècle
Non, sur la terre il n’est personne
Qui ne soit sujet aux tourments ;
Sous la cabane, sur le trône
On entend des gémissements.
Pour tous dans ce val de misère.
La vie est une coupe amère
Qu’il faut vider, vouloir ou non,
Et c’est encore un avantage
Que de l’accepter, ce partage,
Seigneur, en bénissant ton nom.
Le vrai sage comprend la vie
Avec ses chagrins et ses soins,
Espère en une autre patrie
Où son Dieu connaît ses besoins.
Sur les biens trompeurs de ce monde
Dans sa vigilance il ne fonde
Qu’un médiocre, un faible espoir :
Il sait que l’ardeur insensée
Est souvent, austère pensée,
Éteinte de l’aurore au soir.
Voyez la jeunesse volage,
Impatiente de plaisirs,
Exposant la fleur de son âge
Au souffle des brûlants désirs ;
En elle que de fois la vire
Dans son matin même est flétrie !
De la mort que de fois la main
Frappe trop tôt dans sa demeure
L’adolescent, fruit avant l’heure
Tombé sur le bord du chemin !
De notre siècle le génie
Par les désirs est dévoré ;
Au sein de la désharmonie,
L’homme-chiffre est seul honoré.
Ah ! malheur ! car à la matière
Il a voué son âme entière !
Malheur ! malheur ! car les vertus
Le cèdent aux passions viles ;
Passez, repassez dans nos villes,
L’esprit divin n’y souffle plus.
Gustave DEMANGE.
Paru dans La France littéraire, artistique, scientifique en 1860.