Acte d’offrande
Une journée étouffante s’achève ; le soleil a fait plus que sa part pour accabler les campeurs. Les visages suaient, tournaient au rouge vif ; il fallait disputer l’ombre à deux pauvres cerisiers.
Seigneur, toutes vos créatures sont parfaites ; il me faut donc vous offrir ce globe de feu aux effluves brûlantes ; et cette femme parfaite aux seins moulés par un maillot trop ajusté.
Il est dur d’être patient sous un soleil de midi ; il est dur d’être chaste, de corps et de pensée, parmi cette chair qu’on offre sans donner et qu’on étale sans vendre.
Et c’est là que l’ombre soulage par ce grand érable du bosquet et le saule du marais, par cette rangée d’arbustes où foisonne l’herbe à la puce.
C’est aussi là que la grâce protège de cette pensée facile pour la tentation charnelle suscitée par l’exubérance de cette peau moite, débordant d’une sangle trop étroite.
Je garde mon cœur plus haut.
Et conserve cette grâce immaculée.
Seigneur,
C’est dur de garder et de souffrir.
C’est dur de conserver et d’offrir.
Jean-Paul DENIS, Journal poétique, 1989.