Le carillonneur flamand
J’aime le vieux clocher qui penche,
Où les corneilles font leurs nids,
Où retentit chaque Dimanche
La cloche aux tintements bénis.
Dans l’escalier de pierre grise
Mes pieds ont creusé leur sillon ;
Il tourne dix fois sur l’église
Avant d’atteindre au carillon.
En bas tout s’agite et tout gronde,
En haut sonne un joyeux Noël...
Les bruits et les clameurs du monde
N’arrivent pas si près du ciel.
Quand mon orchestre métallique
Éclate en vibrant dans les airs,
Devant son merveilleux cantique
Les oiseaux cessent leurs concerts ;
La brise retient son haleine ;
Le soleil adoucit ses feux :
Des blés et des fleurs de la plaine
Monte un encens mystérieux.
En bas tout s’agite et tout gronde,
En haut sonne un joyeux Noël...
Les bruits et les clameurs du monde
N’arrivent pas si près du ciel.
Pauvres qui pleurez sur la terre,
Riches qui cherchez le bonheur,
À l’heure où chante la prière
Écoutez le carillonneur.
Sa cloche vous dira qu’en somme
Des biens perdus la foi tient lieu :
Tout est faux et petit chez l’homme,
Tout est grand et juste chez Dieu.
En bas tout s’agite et tout gronde,
En haut sonne un joyeux Noël...
Les bruits et les clameurs du monde
N’arrivent pas si près du ciel !
Alexandre DEPLANCK,
Petit recueil poétique dédié au jeune âge, 1864.