Dieu

 

 

Ô toi, l’être infini dans le temps, dans l’espace,

Toi qui vis immuable au sein du mouvement,

Ô toi, l’être invisible et l’être à triple face,

Esprit un, existant universellement !

        Ô toi ! que nul ne peut comprendre,

        Que nulle image ne peut rendre,

Toi qui n’as pas de cause et qui n’a pas de lieu,

Qui fais, étreins, emplis, maintiens tout par toi-même,

        Infime agent, auteur suprême,

        Ô toi que nous acclamons Dieu !

 

Le chaos, qui prit vie avant le temps des choses,

Tu l’évoquas du gouffre où vit l’éternité,

Et ton éternité, toi-même tu la poses

De tout temps, en toi-même, à perpétuité.

        Procréant toi, dans ton abîme,

        Toi, rayonnant, toi sur ta cime,

De ta lumière sort la lumière des jours,

Tu créas tout au son de ton unique Verbe,

Reproduisant toujours, toujours jeune et superbe,

        Tu fus, es et seras toujours.

 

        Je suis ton enfant, notre Père !

Ô Créateur ! je suis ta créature à toi.

Moi, fils de la sagesse, en toi seul je prospère ;

Ô l’âme de mon âme ! ô mon maître ! ô mon roi !

Et ta miséricorde, ô Dieu juste, fut telle,

Que tu fis traverser à ma flamme immortelle

L’abîme de la mort, béant de tout côté,

Afin que je m’épure à l’ombre de son antre,

Et que l’âme, perçant la voûte opaque, rentre,

        Père, en ton immortalité.

 

Ô toi, l’inexplicable et incompréhensible !

        Puisque l’esprit s’épuise en vain

        À tracer le contour visible

D’un rayon, d’un reflet de ton prisme divin ;

        Puisque l’éclair de la parole

        S’efface dans ton auréole,

Il faut que l’homme à toi remonte sans détour,

Que son front se prosterne et que son cœur adore.

Et que ses pieds muets soient un hymne sonore

        De reconnaissance et d’amour.

 

 

 

Gabriel-Romanovitch DERJAVINE.

 

Recueilli dans Les grands écrivains de toutes les littératures,

Cinquième série, Tome quatrième.

 

 

 

 

 

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