Prière du soir

 

 

LA porte était fermée au verrou. Devant l’âtre

Tous les enfants étaient assis ; un feu verdâtre

Courait le long du bois mouillé qui crépitait.

Dehors, sur les chemins de neige, on entendait

Les grelots des chevaux attelés aux carrioles.

Le givre, sur la vitre aux arabesques folles,

Diffusait un rayon lunaire qui jouait

Sur le coffre de pin et sur le vieux rouet.

Le chien dormait, le chat ronronnait et l’aïeule

Négligeant son fuseau de chanvre, toute seule,

Près du ravalement où la mèche filait

Égrenait de ses doigts tremblants, son chapelet.

La servante, troussant ses manches sous l’aisselle,

Rangeait dans une armoire à carreaux la vaisselle

Et fredonnait ces airs qui s’inspirent parfois

Des récits des trappeurs ou du coureur des bois.

Alors, ayant vidé sa pipe sur la cendre,

Le chef de la famille, au regard clair et tendre,

S’appuyant au dossier de sa chaise de jonc

Fit le geste qui fait se courber chaque front,

S’agenouilla pour dire en commun la prière

Et commença d’une voix grave : Au nom du Père....

 

 

Gonzalve DESAULNIERS,

Les bois qui chantent, 1930.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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