Le dimanche des rameaux

 

 

Jour cher au pèlerin qui demande sa voie,

Dont l’aube à tout calvaire allume un peu de joie,

Beau jour, où les enfants, des rameaux dans leurs mains,

Se promènent bénis entre tous les humains... !

De sonores enfants les stalles étaient pleines,

Qui roulaient dans la nef d’innocentes haleines ;

Et Dieu seul entendit une plus humble voix

Qui chantait dans la foule et pleurait à la fois :

 

« Par le vent de l’exil de partout balayée,

Vraiment, je ne sais plus où je suis envoyée.

Oh ! les arbres du moins, ont du temps pour fleurir,

Pour répandre leurs fruits, pour monter, pour mourir.

Moi, je n’ai pas le temps ; ma tâche est trop pressée.

Dieu ! laissez-moi goûter la halte commencée ;

Dieu ! laissez-moi m’asseoir à l’ombre du chemin,

Mes enfants à mes pieds et mon front dans ma main !

Je ne peux plus marcher. Je viens... j’ai vu... je tombe.

Je n’ai pris qu’une fleur là-haut sur une tombe,

Des chapelets bénits pour ceux que nous aimons,

Et j’ai blessé mes pieds aux cailloux des grands monts.

 

« Dieu ! si je suis l’oiseau rasant la terre et l’onde,

Laissez-moi de mon fils presser la tête blonde ;

Mon fils ! grandi sans moi qui l’ai fait tout amour,

Sans moi, qui lui donnai tant d’âme avec le jour !

Dieu des faibles, mon Dieu si je suis votre fille,

Relevez mon passé dans ma jeune famille,

A mes tendres terreurs ne donnez pas raison,

Laissez-nous dans un port contempler l’horizon,

Dans ma précoce nuit allumez une aurore,

Défendez aux chemins de m’emmener encore,

Marquez de votre doigt une place pour nous,

Et ralliez le père aux enfants à genoux ! »

 

L’orgue se tut ; l’église éteignit sa lumière ;

Ma pensée en mon sein retomba prisonnière ;

Mais je ne sais quel charme en coulant à mon cœur

L’inonda de l’espoir qui brûlait dans le chœur.

Un vieillard me donna, tout ruisselant d’eau sainte,

L’un des mille rameaux dont verdoyait l’enceinte,

Et riche de ce buis qui riait dans ma main,

Du monde et de l’hiver je repris le chemin...

 

 

 

Marceline DESBORDES-VALMORE.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie catholique

de Villon jusqu’à nos jours, publiée et annotée

par Robert Vallery-Radot, Georges Grès & Cie, 1916.

 

 

 

 

 

 

 

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