Qu’en avez-vous fait ?
Vous aviez mon cœur,
Moi, j’avais le vôtre :
Un cœur pour un cœur ;
Bonheur pour bonheur !
Le vôtre est rendu ;
Je n’en ai plus d’autre ;
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !
La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L’encens, la couleur :
Qu’en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu’en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?
Comme un pauvre enfant,
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant,
Que rien ne défend :
Vous me laissez là,
Dans ma vie amère ;
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !
Savez-vous qu’un jour
L’homme est seul au monde ?
Savez-vous qu’un jour
Il revoit l’amour ?
Vous appellerez,
Sans qu’on vous réponde,
Vous appellerez,
Et vous songerez !...
Vous viendrez rêvant,
Sonner à ma porte ;
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant.
Et l’on vous dira :
« Personne !... elle est morte ! »
On vous le dira :
Mais qui vous plaindra ?
Marceline DESBORDES-VALMORE.
Recueilli dans Femmes-poètes de la France,
anthologie par H. Blanvalet, 1856.