L’oreiller d’un enfant

 

 

Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,

Plein de plume choisie, et blanc ! et fait pour moi !

Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,

Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi !

 

Beaucoup, beaucoup d’enfants, pauvres et nus, sans mère,

Sans maison, n’ont jamais d’oreiller pour dormir ;

Ils ont toujours sommeil ! ô destinée amère !

Maman ! douce maman ! cela me fie gémir.

 

Et quand j’ai prié Dieu pour tous ces petits anges

Qui n’ont pas d’oreiller, moi, j’embrasse le mien,

Et, seule en mon doux nid, qu’à tes pieds tu m’arranges,

Je te bénis, ma mère, et je touche le tien.

 

Je ne m’éveillerai qu’à la lueur première

De l’aube au rideau bleu : c’est si gai de la voir !

Je vais dire tout bas ma plus tendre prière ;

Donne encore un baiser, douce maman ; bon soir !

 

                                Prière.

 

Dieu des enfants, le cœur d’une petite fille,

Plein de prière, écoute, est ici sous mes mains ;

Hélas ! on m’a parlé d’orphelins sans famille !

Dans l’avenir, bon Dieu, ne fais plus d’orphelins !

 

Laisse descendre an soir un ange qui pardonne,

Pour répondre à des voix que l’on entend gémir ;

Mets sous l’enfant perdu, que sa mère abandonne,

Un petit oreiller qui le fera dormir !

 

 

 

Marceline DESBORDES-VALMORE.

 

Recueilli dans

Recueil gradué de poésies françaises,

par Frédéric Caumont, 1847.

 

 

 

 

 

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