Sur la colline

 

 

Enfant, viens avec moi sur la haute colline ;

Enfant, viens où l’on a le ciel pour horizon,

La tête dans l’azur, l’air à pleine poitrine,

            Sous les pieds, le gazon.

 

Gravissons, gravissons encore un peu, jeune homme ;

Dans la plaine, bientôt, le toit que nous laissons,

À travers le grand bois, au loin, paraîtra comme

            Le nid dans les buissons.

 

Comme la fleur, à l’aube, entrouvre tout émue

Son calice odorant, l’âme s’épanouit

Quand nous nous élevons, et parle dans la nue

            À son Dieu qui sourit !

 

Vois... que le ciel est beau ! la nuit vient, le jour passe ;

Vois, la lune se lève, et ce nuage d’or

Semble aller, de sa part, saluer dans l’espace

            Le soleil qui s’endort.

 

Vois s’agiter au loin ces plaines frémissantes ;

Vois se baiser au front les arbres de ces bois ;

Et tout au fond, la mer, montagnes bondissantes !

Clavier de l’Éternel, mugissant sous ses doigts !

 

Vois-tu ces mille toits de l’endroit où nous sommes ?

Ce groupe informe à l’œil... ces dômes teints de feu ?

C’est la ville, mon fils. Là... l’ouvrage des hommes ;

            Ici, l’œuvre de Dieu !

 

Ici, la majesté d’une route éthérée ;

Ici, l’air parfumé, le silence incertain ;

Et, là-bas, les rumeurs d’une foule égarée,

            Aux brumes du chemin.

 

Enfant, c’est la cité... triste abrégé du monde !

Ruche humaine bâtie au pied d’un sourd volcan ;

Mer dont le flot est l’homme, et qui sans cesse gronde,

            Battu par l’ouragan !

 

C’est l’obscur labyrinthe où se perdent les âmes ;

C’est le monde où Satan jette un regard moqueur ;

Voyant venir à lui, brûlés d’impures flammes,

            Tous ces êtres sans cœur,

 

Dont l’or est le seul dieu : devant lui s'humilie

Et lâchement fléchit l’homme enivré d’orgueil ;

L’or élève, brillant, un voile dans sa vie,

Qui lui cache l’endroit où surgit son cercueil.

 

Là, c’est la passion hurlante et hérissée,

C’est le manque de foi, le mépris du prochain ;

Là, c’est la dent qui mord sous la lèvre embrassée ;

            C’est Abel et Caïn !...

 

Dieu dit, après avoir, dans sa munificence,

Fait le monde splendide : Homme, voilà ton bien !

Mais l’homme dit à l’homme, usant de sa puissance :

            J’aurai tout, et toi rien !

 

Le Seigneur avait fait de ces hommes des frères,

Aux lois toutes d’amour il les avait soumis ;

Mais l’intérêt, séchant leurs cœurs et leurs paupières,

            En fait des ennemis.

 

Mais vois à l’orient se lever cette étoile,

Lentement elle approche et semble s’agrandir ;

C’est l’ange du Seigneur qui soulève le voile

            D’un prochain avenir.

 

Cette lueur, ce feu, c’est d’une nouvelle ère

Le signe précurseur, c’est la sainte clarté

Qui, réchauffant les cœurs, précède sur la terre

Un règne universel de paix, de charité.

 

 

 

Claude DESBEAUX,

Chapelier, commis en soieries.

 

Paru dans: Poésies sociales des ouvriers,

réunies et publiées par Olinde Rodrigues, 1841.

 

 

 

 

 

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