L’adieu

 

 

C’était un soir de mai, limpide et poétique,

Soir tiède de printemps, d’une douceur mystique,

            Les cieux ruisselaient d’or !

Pour la dernière fois, je contemplais ma mère,

Que l’on devait, bientôt, conduire au cimetière,

            Dans la paix de la mort !

 

J’étais seul, à genoux, à ses pieds, l’âme sombre !

Près d’elle, un Christ en croix, blafard, veillait dans l’ombre,

            Semblant verser des pleurs !

Et plus je regardais le crucifix d’ivoire,

Plus je la trouvais belle, en cette robe noire,

            Sous les gerbes de fleurs !

 

Or, comme j’évoquais ma paisible jeunesse,

Les trente ans écoulés, témoins de sa tendresse,

            En ce soir solennel...

Un frisson anima sa figure de cire

Et sa lèvre blêmie eût un dernier sourire

            Auguste et maternel !

 

Jamais je n’ai versé de larmes plus amères ;

Nous comprenons trop tard, hélas !... lorsque nos mères

            Ferment leurs yeux si purs !

Que n’aurais-je donné pour la revoir vivante,

Elle dont j’ai béni la main compatissante,

            Aux jours mornes et durs !

 

Mais ! qu’est-ce que souffrir un supplice d’une heure

Pour celle qui vous aime, et lutte, et souffre, et pleure...

            Toute une vie, ô Dieu !

Mon âme résignée à cet immense vide,

Je baisai son beau front, glacial et livide,

            Dans un suprême adieu !

 

 

 

Alfred DESCARRIES, Pour mon pays, 1922.

 

 

 

 

 

 

 

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