À celles qui pleurent
Ô mères dont les fils dorment sous la poussière
De quelque champ lointain, glorieux cimetière...
Mères du Canada-Français, voici le jour :
Contemplez le ciel bleu d’un long regard d’amour !
Voici donc qu’il a lui ce matin de victoire,
Heure tant attendue... ah ! votre robe noire
Recèle tant de pleurs versés pour cet enfant,
Ô mères, qu’à vous voir, on le voit triomphant !
On le voit, souriant à la foule amassée,
Acclamant le drapeau que, d’une main blessée,
Il saluait encor sur le champ des combats...
Et sa gloire est la tienne, ô peuple !... chapeaux bas !
Les accents de l’airain, les marches triomphales,
Vont creuser une ride hélas ! à vos fronts pâles ;
Vous n’aurez plus le franc sourire d’autrefois,
Mères, épouses, sœurs, qui ployez sous le poids !
Mais, quand défileront les autres, sur nos places,
Ceux qui vont revenir portant les mâles traces
Des combats soutenus pour le nom des aïeux,
Mères, épouses, sœurs, vous fixerez les cieux !
Comme il n’est de tourment sans fin que pour l’impie,
Ceux qui pleurent les morts tombés pour la Patrie,
Pour une cause juste et sainte, devant Dieu,
Ne leur disent jamais un éternel adieu !
Tous, ils vivront encor en la chère demeure !
Dans le silence ému du soir, quand tinte l’heure
Où la paix du foyer porte au recueillement,
L’âme de nos héros passera doucement !
Montréal, novembre, 24, 1918.
Alfred DESCARRIES, Pour mon pays, 1922.