À une mère qui pleure

 

 

    Comme un voleur de nuit, chez vous, la mort avide

S’est glissée... et voilà qu’il dort sous le gazon

Le beau petit enfant, lui qui dans la maison

Tenait si peu de place, et laisse un si grand vide.

 

    Quand le fil de nos jours lentement se dévide

Sur le fuseau fatal, et que notre toison

Tombe mûre et jaunie, à l’arrière-saison,

Insensé qui se plaint du moissonneur livide !

 

    Mais qui donc, avec vous, qui ne gémirait pas,

Voyant que votre Abel se lasse au premier pas ;

Que son rire, si vite, en un râle se change ?...

 

    Pourtant, réfléchissons que Dieu dut bien l’aimer,

Puisqu’il le prend à l’âge où, sans le transformer,

De l’enfant rose et blond il va se faire un ange.

 

 

 

Émile DESCHAMPS.

 

Recueilli dans Souvenirs poétiques

de l’école romantique, 1879.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net