Le retour au village
Un jour, je suis parti, pèlerin solitaire,
Après un long exil, revoir le coin de terre,
Où, paisibles, se sont passés mes jeunes ans.
C’était par un matin radieux du printemps !
Le long des sentiers verts, de buisson en buisson,
Joyeux, comme autrefois, j’ai redit ma chanson
Aux champs ensoleillés, aux grèves, aux érables,
Qui me semblèrent tous devenus vénérables,
Et me tendaient leurs bras ! J’ai revu les maisons
Dont les vieux murs penchaient sous l’assaut des saisons ;
Les unes, volets clos et de mousse couvertes,
Étaient mêmes, déjà, depuis longtemps désertes,
Et, de les retrouver, par ce riant matin,
Le passé m’apparut plus doux et plus lointain !
Ému, je traversai l’antique pont de pierre,
Que, tant de fois, la main dans celle de ma mère,
J’avais franchi, craintif au fracas du torrent !
Ma mère me disait : « Lorsque tu seras grand,
Viendras-tu saluer le clocher du village
Où, près de moi, s’écoule aujourd’hui ton jeune âge ?
Ne serait-ce qu’un jour, ton cœur y trouvera
Quelque cher souvenir qui le consolera ! »
Un jour, je suis venu, pèlerin solitaire,
Après un long exil, revoir le coin de terre,
Où, paisibles, se sont passés mes jeunes ans !
C’était par un matin radieux du printemps...
Et ce jour de la vie est un divin poème ;
Car il n’est d’aussi beau que la page où l’on aime !
Alfred DESCARRIES, Pour mon pays, 1922.