Au fil de l’eau
Vogue bien loin, ma barque frêle,
En tout espoir.
Va, va, sous la brise ou la grêle,
Jusques au soir.
Le temps n’est-ce pas l’eau, mon âme,
Dont le flot bleu
Murmure aux accords de la rame
« Bénis ton Dieu ! »
Entends, sur les rives lointaines :
L’écho répond.
C’est le chant des bois et des plaines,
Grave, profond.
La voix de la Nature entière
Prend son essor,
S’élève, en sa longue prière,
Vers l’astre d’or.
Et toi, mon âme, ô toi qui passes
Sur le flot clair,
Recueille l’ode des espaces
Qui frappe l’air.
Unis ta voix aux voix mystiques :
Sois, dans ce chœur,
L’hymne d’amour, noble réplique
Au Créateur.
Vogue bien loin, ma barque frêle,
Vers le Très-Haut.
Chante, sous la brise ou la grêle,
Au fil de l’eau.
Benoît DESFORÊTS, Poèmes de solitude,
Mistassini, s. d.