Paraphrase du psaume XII
Vous, du vaste univers et l’auteur et le maître,
Vous seul de qui j’attends un assuré secours,
Jusques à quand, Seigneur, passerai-je mes jours
Dans les cruels ennuis que le malheur fait naître ?
Avez-vous résolu de m’oublier toujours ?
Pour rendre mes peines légères
Et pour me garantir des plus affreux hasards,
N’êtes-vous plus ce Dieu qu’ont adoré nos pères ?
Jusques à quand de mes misères
Détournerez-vous vos regards ?
Mes crimes seraient-ils plus grands que vos tendresses ?
Hélas ! jusques à quand voulez-vous que mon cœur
Soupire et soit plongé dans d’amères tristesses ?
Ne vous souvient-il plus, Seigneur,
De vos magnifiques promesses ?
Jusques à quand enfin ces mortels ennemis
Qui répandent sur moi le venin de leurs haines
Et qui, pour m’opprimer, se sont cru tout permis,
Repaîtront-ils leurs yeux de l’excès de mes peines ?
Daignez écouter mes soupirs
Et les vœux ardents que je forme ;
Éclairez mon esprit, réglez tous mes désirs ;
Que jamais dans les maux, jamais dans les plaisirs,
D’un dangereux sommeil mon âme ne s’endorme.
Que l’esprit ténébreux, de vos autels jaloux,
Lui que votre juste courroux
Précipita du ciel dans le fond de l’abîme,
Ne puisse se vanter d’avoir eu pour victime
Un cœur qui n’est fait que pour vous.
Au milieu des fléaux que votre main m’envoie,
Cette crainte me trouble et me glace d’effroi.
Ah ! si je devenais sa proie,
Ceux que mon infortune élève contre moi
Goûteraient à longs traits une maligne joie !
Ma perte est l’objet de leurs vœux.
Mais, Seigneur, auriez-vous des oreilles pour eux ?
Non, elles ne sont attentives
Qu’aux cris des malheureux, qu’aux soupirs des pécheurs,
Et c’est de là, grand Dieu, qu’au fort de mes douleurs,
Viennent ces espérances vives
Qui m’aident à porter le faix de mes malheurs.
Quand votre bonté que j’implore
Aura mis à couvert mes jours infortunés,
Des puissants ennemis à me nuire obstinés,
Quand elle aura calmé l’ennui qui me dévore,
Mon cœur, qu’un noir chagrin a presque consumé,
Sera par la joie animé.
Seigneur, il fera plus encore !
Dans ma bouche il mettra de ces airs éclatants
Que, du nord au midi, du couchant à l’aurore,
À la gloire du Dieu que l’univers adore,
Les peuples chanteront jusqu’à la fin des temps.
Antoinette DESHOULIÈRES.
Extrait de Œuvres complètes, 1747.