« Je suis l’aliment des élus... »
AUX approches du soir, lorsque les peuples tristes
Marcheront au hasard dans l’ombre des chemins
Et que leurs pieds auront abandonné vos pistes,
L’effroi mordra leurs cœurs en leur tordant les mains.
Comme ils s’arrêteront, hagards, dans les ténèbres
Et que la faim mettra leurs entrailles en feu,
Ils se tordront, ainsi qu’en des fresques célèbres
Se tordent les maudits sous le courroux de Dieu.
Or, un immense cri jaillira de la terre :
« J’ai faim. Seigneur, j’ai faim, éternellement faim ! »
Et les bras se tendront, forêt vivante, austère,
Comme de maigres fûts fouettés d’un vent sans fin.
Mais vous n’entendrez pas ces clameurs inutiles,
Ô Maître, car le jour enfin sera venu
Où vous ferez justice aux délateurs hostiles
Dont les cœurs hypocrites seront mis à nu.
Et, ceux qui proféraient leur haine lamentable
Contre le Pain de Vie, appelleront en vain
Alors que vos élus autour de votre table
Mangeront votre Pain et boiront votre Vin !
Alphonse DESILETS, Mon pays, mes amours, 1913.