L’amie inconnue

 

 

JE sens qu’elle est tout près et qu’elle va venir,

Celle dont l’âme tendre est faite pour la mienne

Et qui doit m’alléger de ma tristesse ancienne.

Celle par qui j’espère encore en l’avenir.

 

Elle m’apportera, j’en ai la confiance,

Le présent magnifique et doux de son amour,

Et je lui donnerai tout mon cœur en retour

Et je serai pour elle une autre providence.

 

Si la peine, autrefois, a fait saigner son cœur,

Si la mélancolie a pris racine en elle,

Je ressusciterai sa joie habituelle

En la gâtant ainsi qu’une petite sœur.

 

Il me semble nous voir au seuil de la chaumière

Causer tout doucement par les soirs enchantés,

Et remplir tout mon cœur d’ineffables clartés

En reposant mes yeux dans ses yeux de lumière.

 

Il me semble déjà que nous nous chérissons,

Que je tiens dans mes mains sa petite main blanche

Et que, de mon épaule où sa tête se penche,

Monte le gazouillis d’amoureuses chansons.

 

Oh ! qu’elle sera douce à mon cœur de poète

La voix qui dans nos deuils me parlera des cieux

Et que j’écouterai longtemps, silencieux,

D’une âme résignée, attendrie et muette !...

 

Qu’il vienne donc enfin ce jour tant espéré

Où je dois rencontrer ma chère bienvenue,

Celle en qui j’aurai foi, cette amie inconnue

Qui devra me fermer les yeux quand je mourrai !

 

 

 

Alphonse DESILETS, Mon pays, mes amours, 1913.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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