À la douleur
JE ne lèverai point, ô sublime douleur,
Contre ton saint fantôme une main qui repousse ;
Je te laisserai faire et tu me seras douce
Bien que je sente un peu l’effroi prendre mon cœur.
Bien que je sache trop les peines qu’on récolte
Lorsque l’on a semé les germes de l’amour,
Puisque mon cœur a dû parfaire son labour
Je veux tout moissonner sans pleurs et sans révolte.
Il faudra que j’apprenne un jour à t’accueillir
Comme une bienfaitrice et que je reconnaisse
Ton aide nécessaire afin que ma jeunesse
Se virilise et que tu me fasses vieillir !
Je te laisserai faire et tu me seras douce,
Bien que je sente un peu l’effroi prendre mon cœur.
Je ne lèverai point, ô sublime douleur,
Contre ton saint fantôme une main qui repousse.
Alphonse DESILETS, Mon pays, mes amours, 1913.