Au vieil Hiver
ON te croyait perdu là-bas
Sous quelque lourd glacier du Pôle
Où la neige remplit le bât
Que tu portes sur ton épaule.
Nos yeux en vain t’ont attendu
Par les nuits mornes de décembre ;
Ton retour longtemps suspendu
Ravive le vent qui se cambre.
Tu nous as fait sentir déjà
La cruauté de tes morsures
Lorsque la neige submergea
Les nids, les fleurs et les masures.
Et pourtant nous t’aimons toujours ;
Quand jusqu’à nos pieds tu te glisses,
Les bardes te font des mamours
Et les bambins se réjouissent.
Parfois, au rythme des grelots
Qui chantent par les routes blanches,
Tes flocons autour des bouleaux
Se dandinent en avalanches.
Et quand aux dalles de nos toits
Scintillent tes glaçons de givre
C’est comme aux âges d’autrefois
Des châteaux peints dans un vieux livre.
Sais-tu bien que sans toi, mon vieux,
Nos fêtes seraient incomplètes ?
Tu mets de l’azur neuf aux cieux
Et du blanc vénérable aux têtes !
Tu sèmes la gaîté partout
Puisque tu nous donnes l’aubaine
De dénicher le réduit où
Se blottit la détresse humaine...
Sois à jamais le bienvenu.
Quoique tu portes la souffrance,
Hiver, sous qui nous est venu
Le Dieu d’Amour et d’Espérance !
DÉCEMBRE, 1912.
Alphonse DESILETS, Mon pays, mes amours, 1913.