Aux poètes de chez nous
Vous êtes ceux par qui la voix impérieuse
De la douleur blottie au fond des cœurs humains
S’élève et se révèle à la foule oublieuse.
Vous êtes ceux par qui, rôdeuse des chemins,
L’indigence réclame aux princes de la terre
L’aumône bienfaisante et prescrite par Dieu.
Et vous êtes la voix de l’âme solitaire
Et vous êtes le cri de l’éternel adieu,
Et sans vous la beauté des forêts imposantes
Sombrerait dans l’oubli chaotique où les monts
Cachent tant de trésors sous leurs masses pesantes.
Et lorsque, satisfaits de l’heure, nous dormons,
Vous scrutez jusqu’au point zénithal des espaces
Le plan mystérieux des révolutions
Que décrivent là-haut les étoiles qui passent.
Et nos rêves et nos saintes ambitions,
Nos soifs de liberté, de gloire inassouvie
Jettent vers l’Infini leur suppliant appel,
Dans l’éclat de vos chants. Et jusqu’à l’humble vie
Du modeste semeur au reflet immortel
De l’art, brille à nos yeux éblouis et charmés.
Et nous sentons monter de nos cœurs, ô Poètes,
Les mots reconnaissants que nos lèvres muettes
Taisent par impuissance à vous qui nous aimez !
Alphonse DESILETS, Mon pays, mes amours, 1913.