Au Prince de la paix
LES Prophètes anciens t’ont prié par la harpe
Alors que la douleur hantait déjà leur Nuit,
Et voici qu’à tes pieds nous portons aujourd’hui
Notre âme défaillante et nos cœurs en écharpe.
Car nous sommes les fils des antiques souffrants
Et nos cœurs sont leurs cœurs et nos peines leurs peines
Et nos cris sont l’écho des détresses anciennes
Et leur plainte fut triste et nos chagrins sont grands.
Les matins ont des pleurs comme les soirs moroses.
Et comme ils ont pleuré dès l’Aube aux reflets d’or,
Dans la Nuit qui revient, des yeux versent encor
Les larmes des paupières qui sont déjà closes.
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Ah ! que ne sommes-nous ces bergers favoris
Qu’une étoile nouvelle appela vers l’Étable !
Nous t’aurions apporté l’offrande délectable
Des naïves chansons auxquelles tu souris.
Nous t’aurions, humblement prosternés sur la paille,
Présenté la blancheur soyeuse d’un agneau
Et tu nous aurais dit du fond de ton berceau
Les paroles de paix auxquelles l’on tressaille.
Et d’avoir entendu tes lèvres murmurer
Le cantique immortel de l’immortelle joie,
Nous marcherions comme eux dans la paix de ta voie
Sans avoir su les maux qui nous font tant pleurer !
Alphonse DESILETS, Mon pays, mes amours, 1913.