Salut nocturne
TEL on a vu dans la splendeur des jours de fête
La garde en sentinelle auprès de l’ostensoir,
Les peupliers en ligne au pied du mont, ce soir,
Silencieux et droits, ont incliné la tête.
Car un écho surgit des orgues de tilleuls :
Le flot rythmé du lac fredonne l’hymne austère
Que la cloche entonna du haut du monastère
À l’heure où le couchant empourprait les glaïeuls.
C’est un prélude d’adoration nocturne.
La montagne est comme un autel monumental,
Et, des toits du village assis au fond du val,
Monte un nuage bleu comme l’encens d’une urne.
Soudain au faîte d’un grand pin conique et droit
On dirait que s’arrête la lune voilée
Et que la Poésie entonne, auréolée,
Son « O Salutaris » au Dieu Poète-Roi !
Alphonse DESILETS, Mon pays, mes amours, 1913.