Isolement
Ô douleur d’être seul et de broyer du noir,
De mutiler son cœur, de le mettre en poèmes
Et de jeter ce livre à d’autres faces blêmes
Qui pleureront Peut-être en le lisant un soir !
Mais douleur de marcher dans l’humaine cohue,
Qui nous lance l’injure et croit nous faire mal !
Cohue à qui le nom de poète est fatal...
Cohue à qui l’on voit battre un chien dans la rue...
Pauvre enfant qui t’en vas parmi ces horions,
Toi qui n’as dans le cœur aucun désir de nuire,
Toi qui cherches là-haut ce qui peut te séduire,
Rentre dans ton logis rêver tes visions !
La plèbe ne croit rien, la plèbe est ignorante,
Et celui qui s’y mêle y sera mutilé !
Si tu ne la sers pas, tu seras exilé,
Tu boiras la ciguë, ô belle âme souffrante !
Ne la revois jamais que pour la dominer !
Si tu ne le peux pas, retire-toi loin d’elle.
Mais lance-lui plus tard – à ton dédain fidèle –
Ton livre, et tu pourras l’entendre pardonner !
Ô bonheur d’être seul, de vivre sans les autres,
Mais de vivre pour eux, sous le même ciel noir !
Ô gloire d’être seul, d’écrire chaque soir
Les sanglots de ces cœurs qui passent par les nôtres !
Henri DESJARDINS.