Un père devant le portrait de son fils

 

 

Oui, voilà bien ses traits, voilà son doux visage !

Il ne reste plus rien de lui que cette image.

Comme un ange, il n’a fait que passer ici-bas.

Plein de vie, au milieu des plaisirs de son âge,

Il rencontra la mort, lui qui, si jeune, hélas !

De loin devait me suivre au terme du voyage.

Qu’est devenu le temps où de ses premiers pas

Je fus l’heureux témoin ; où son premier sourire,

Sa première parole excitaient mon délire ;

Puis, charmé des progrès de sa jeune raison,

Je vis avec transport son cœur sensible et bon

Pour première vertu choisir la bienfaisance ?...

À la voix du malheur empressé d’accourir,

Lorsqu’il donnait au pauvre il semblait s’enrichir ;

Avoir de quoi donner, c’était sa récompense.

Oh ! j’étais fier de lui, lorsque ses blonds cheveux

Ondulaient sur son front empreint d’intelligence !

Son âme étincelait dans l’azur de ses yeux.

J’admirais de sa voix le timbre harmonieux,

De tous ses mouvements la souplesse et l’aisance,

Son ardeur pour l’étude et sa reconnaissance

Pour ceux qui l’entouraient de soins affectueux.

La nature, prodigue en dotant son-enfance,

Lui frayait le chemin d’un riant avenir...

Rêves trompeurs, beaux jours de joie et d’espérance,

Un moment a suffi pour vous anéantir

Et faire succéder le deuil et la tristesse

Aux doux ravissements de mon cœur paternel ;

Un moment a suffi pour que, d’un coup mortel,

Fût brisé le soutien promis à ma vieillesse ;

Et quand viendra pour moi le jour sans lendemain,

Près de clore à jamais ma tremblante paupière,

En vain, pour la presser d’une étreinte dernière,

Ô mon fils bien-aimé, je chercherai ta main !...

 

 

 

Théodore DES RIVES.

 

Paru dans L’Austrasie en 1862.

 

 

 

L’enfant dont le douloureux souvenir a inspiré ces vers était né à Metz 

et mourut à Besançon le 1er janvier 1886, âgé de dix ans et demi. 

Aussi bon qu’il était vif et ardent, il vit de sa fenêtre un petit pauvre 

auquel il avait l’habitude de faire des charités, descendit 

précipitamment et courut vers lui. Dans ce moment une voiture 

passait avec rapidité dans la rue, et quelques secondes après il avait cessé de vivre...

 

 

 

 

 

www.biblisem.net