La mort du juste
In memoria æterna erit justus.
(ÉVANGILE).
Vers l’horizon lointain, aux bords du firmament,
Lorsque le roi du jour s’abaisse lentement,
Et que de l’Occident il franchit la barrière,
Au moment d’achever sa brillante carrière,
Il semble, avec amour, de ses derniers rayons,
Caresser les coteaux, les plaines, les vallons,
Et jouir des bienfaits qu’il répand sur le monde...
Puis, son disque de feu, plus incliné vers l’onde,
S’y plonge tout-à-coup, disparaît, et les yeux
Suivent la trace d’or qu’il laisse dans les cieux.
Ainsi, lorsqu’il arrive au terme du voyage,
Le juste, sur la terre, a marqué son passage ;
Il a toujours suivi, dans la foi de son cœur,
Le sentier de vertu qui conduit au Seigneur,
Quand, pour lui, du trépas sonne l’heure suprême,
Il voit, calme et serein, s’avancer la mort blême ;
Tandis que ses enfants, près du lit de douleurs,
Tristes et retenant avec peine leurs pleurs,
Sur son front, dans ses yeux, épient en silence
Quelque vaine lueur de vie et d’espérance.
Pour la dernière fois, sur ces êtres chéris,
Il porte en soupirant des regards attendris ;
D’une voix qui s’éteint il les bénit encore !...
Pour eux, Dieu de bonté ! sa prière t’implore ;
Il espère pour eux ce tout puissant secours
Qui toujours nous soutient, nous console toujours ;
Et confiant, Seigneur, dans ta grâce infinie,
Il résigne en tes mains et son âme et sa vie...
Il espère... ou plutôt, rejoignant tes élus,
II voit luire ce jour qui ne finira plus !...
Ainsi, l’astre qui semble abandonner la terre,
Rayonne, au même instant, dans un autre hémisphère
Et, brillant de jeunesse, hôte de nouveaux cieux,
Poursuit, en s’élevant, son essor glorieux !...
Charles DEVERT.
Paru dans La Muse des familles en 1858.