Le berger

 

 

Sur les monts de là-bas, il est un berger bleu

Heureux bergers ! Ils sont encore les symboles.

Ils chantent pour eux seuls et disent les paroles

               Qui ne sont faites que pour Dieu.

 

Le berger, caressant le duvet de ses joues,

S’en va, comme il irait au-devant de quelqu’un.

Mais, qui donc songerait à suivre le chemin

               Où dort sa guérite à deux roues ?

 

Parfois, le vent, qui vient de loin et se méprend,

Croit porter aux amants les plaintes de l’automne ;

Ce n’est que la chanson d’un berger, et personne

               Ne sait comme son cœur est grand.

 

Le soir, quand ses moutons s’endorment en silence,

Il regarde le ciel et se met à songer.

Son chien, qui sait très bien à quoi pense un berger,

               N’a pas besoin de confidence.

 

Lorsque les nuits d’été, sous les brouillards d’en-bas

Percent des fentes d’or dans les chaumières noires,

Il s’en raconte, sous les lampes, des histoires

               Que les bergers ne savent pas.

 

Mais Dieu descend parler au pitre solitaire,

Et le pitre lui met des bouquets sur sa croix,

Il en voudrait cueillir pour parer à la fois

               Tous les calvaires de la terre...

 

Aussi, quand le berger, sur le bord du chemin,

Ne trouve plus de fleurs parmi l’herbe gelée,

Il appelle son chien, lui montre la vallée

               Et s’en va, son sceptre à la main.

 

 

Marcel DIAMANT-BERGER.

 

Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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