Le chapelet de la morte

 

 

Dans sa prison capitonnée de soie,

Sans yeux, sans geste et sans joie,

La morte que la terre emprisonnait

Tenait entre ses doigts un chapelet.

 

En novembre

Les vivants prient pour les morts.

Elle, la morte, priait pour les vivants.

 

Elle dont la vie fut un intime calvaire

Et qui gravit patiemment

les degrés du devoir,

Dans sa prison capitonnée de soie,

Comme toujours, sans joie,

La morte que la terre avait reprise

Tout doucement récitait son chapelet :

 

« Notre Père, qui êtes aux cieux,

« Ayez pitié d’eux !

« Que votre miséricorde

« Dépasse l’énormité de leur cruel bonheur !

« Que votre grâce, ô Mère des Douleurs,

« Mette son baume dans les trous du glaive.

« Que tous les pardons germent de mon tombeau ;

« Que la miséricorde s’élance de mes os !

« Pitié, pour les vivants,

« Pitié pour ces souffrants !

 

« Et gloire, gloire

« À la mort qui m’a prise en otage ;

« Gloire à l’oubli qui se mêle

« À la poussière de mon visage.

« Et gloire, gloire à la tombe

« Où j’attends pour le fatal exil

« Tous ceux-là que j’aimais !

                                                               ...Ainsi soit-il !

 

 

 

Rosaire DION-LÉVESQUE, Quête, 1963.

 

 

 

 

 

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