À la Nature...
Mère de l’Univers, et nourrice du Monde,
Dans tes bras maternels, j’abandonne mon cœur ;
Car je voudrais, ô Mère, arracher de ton onde
Un effluve vainqueur !
Loin de la frénésie et de la vile tourbe
À toi je viens, ô Mère, et je viens implorant
Un morceau de tes dons, car ton œil n’est pas fourbe
Pour ton fils délirant.
Il a besoin de toi ce pauvre corps débile.
Ah, souffle à travers lui tes vents impétueux,
Marque-le de ton sceau, puissant, indélébile,
Rends-le fort et fougueux.
Dans ton sein généreux palpite l’espérance,
Et de tes flancs féconds aux incessants travaux
Jaillit chaque printemps, sonnant l’exubérance,
L’Éternel Renouveau.
Je suis à mon printemps, ô Nature, ô ma Mère !
Mais aussi je suis faible et je viens titubant
Sous l’ivresse d’ardeur de mon âge éphémère,
À tes genoux tombant.
Car mon esprit naissant est ivre de l’aurore
Dont les feux rutilants éclatent sur mon cœur.
Sur mon front inquiet, ah, souffle, souffle encor
Ton souffle raisonneur.
Toi seul connais les mots qui savent du tumulte
Rythmer les bruyants chocs. Toi seul sais le secret
Du calme bienfaisant et que la paix exulte
Au fond de ta forêt.
Tes grands bois adorés, et tes landes fleuries,
Tes cascades d’argent, et tes grands lacs d’acier,
Sont les poèmes purs, églogues attendries
Sortant de ton gosier.
Le ruisseau qui s’en va, le majestueux fleuve,
Tes aurores de feu, et tes sombres couchants,
Redisent à jamais sous les cieux qui se meuvent
La grandeur en leurs chants.
Au sein de tes forêts, recelant le mystère,
Domaine de la paix, j’adore m’égarer.
Dans ces sentiers ombreux quand le jour s’oblitère
J’entends des voix monter.
Temple de l’Éternel, ô Nature infinie,
Je trouve un sûr asile en tes ombreux arceaux ;
Tu me promets aussi, quand ma course finie,
Un tout discret tombeau.
Ah ! pétris tout mon être, et mon cœur et mon âme
De ce calme infini. Plonge-moi bien avant
Dans tes foudres, tes feux, mirionyme flamme,
Fais-moi fort et fervent.
Que ta foudre bénigne emplisse ma poitrine.
Dirige mes élans vers les grands sommets clairs.
Que ta force sans frein dilate ma narine
Aspirant tes éclairs.
Car je veux mon corps sain comme ta pure source,
Et tel le chêne altier, bravant les ouragans,
Je me voudrais tenace à la rageuse course
Des délétères vents.
Afin que ma chanson, s’unissant à la tienne,
Soit digne d’exhaler son hymne plein d’ardeur,
D’une strophe gonflant l’universelle antienne
Au Commun Créateur !
Rosaire DION, 1928.