Le jour des morts
VOICI la saison noire... Au clocher le glas tinte,
Les corps des trépasses dans la funèbre enceinte,
Dorment leur lourd sommeil.
Et leurs âmes, peuplant l’immensité béante
Volent autour de nous, soupirant dans l’attente
De l’éternel réveil.
On entend leurs sanglots pendant les nuits d’automne,
Alors que le vent dit son refrain monotone,
Sinistre et glacial ;
Quand de l’arbre jauni tombe la feuille morte ;
Que la neige et le froid, sombre et triste cohorte,
Long cortège fatal,
Font redouter Novembre au malheureux qui pleure
De faim, d’effroi, d’ennui dans sa pauvre demeure,
Près de l’âtre sans feu.
Et qui meurt, invoquant la justice divine
Pour les siens, tendrement pressés sur sa poitrine
Dans un lugubre adieu !
Ô riche ! Toi qui cours au tourbillon des fêtes,
Bien vêtu, souriant au courroux des tempêtes,
Aux longues nuits d’hiver,
Jette un peu de ton or au mendiant qui passe
Et songe que l’aumône effacera la trace
De tes péchés d’hier.
Ah ! ne trouvons jamais la misère importune :
Ouvrons tout grands nos cœurs aux cris de l’infortune,
Et donnons-lui du pain,
Pour qu’à ses yeux reluise un regard d’espérance,
Pour adoucir un peu sa cruelle souffrance
Et son amer destin.
Puis quittons un instant le gai foyer qui brille,
Le berceau de l’enfant, le nid de la famille.
Les rêves d’avenir ;
Et, nous agenouillant, pensifs, au cimetière,
À nos morts bien-aimés donnons une prière,
Un pieux souvenir !
Georges DONDEVILLE.
Recueilli dans Le Parnasse contemporain savoyard,
publié par Charles Buet, 1889.