Petit poème en prose

 

 

Le jour s’est levé, clair et serein, comme l’espoir dans un cœur jeune et ardent. Le soleil monte, glorieux, au-dessus de l’horizon, inversement empanaché de la chevelure des bois d’automne. Les montagnes déploient dans la lumière leur crinière changeante de feuillages aux tons multiples et chatoyants sous les brises matinales et fraîches.

Quelques nuages doublés de satin blanc à doux reflets allongent, sur le tableau du monde de l’azur, leurs ailes spongieuses et reposantes. Ma pensée s’accroche à cette nature supraterrestre, et suit de loin, vers le rivage de mes rêves le souvenir aimé des jours enfuis.

Je me dis : nombreuses sont les âmes, comme la mienne, qui voudraient s’identifier aux oiseaux inconnus pour pouvoir s’élancer vers les portes de l’aurore et bercer au long des chemins célestes l’amour qui les soutiendrait.

Le silence même qui marque la fuite du temps a quelque chose de touchant, l’aube qui grandit, le rayon qui voltige, l’heure qui s’avance sous la voûte azurée, tout, jusqu’à l’insecte qui s’abreuve sur la goutte de rosée, tout nous indique l’émotion des cœurs épris, que chaque saison engloutit un peu plus. Ô pensée éternelle du maître souverain, tu flottes sur l’univers au long des routes de l’infini ! Ô jour qui éclaires, tu vieillis mon âme en la rendant plus aimante et plus vibrante dans ton évocation des volontés sublimes du destin.

Je prie le jour, je prie le ciel et je prie le créateur d’être propices à ceux qui viendront, qui verront, qui croiront et qui comprendront après moi. Soyez heureux des rayons qui passent, des jours qui fuient et du temps qui use les pierres de l’univers, vous tous qui venez contempler de vos yeux humains la création entière et la bonté des dieux qui nous conçurent !

Et vous, petites mains blanches, aux doigts fuselés qui savez coudre la toile des voiles des belles fiançailles, petites mains de la blonde déesse, réunissez, assemblez de points solides l’azur de votre espérance au linceul de mes rêves morts !

Le jour s’élève, mon amour grandit, l’automne vient, mon âme vieillit, ô déesse, donnez aux joues pleines de larmes l’unique baiser qui console et qui guérit du temps renouvelle, en vieillissant les âmes meurtries aux ronces qui bornent les chemins d’où s’enfuit le bonheur !

Pendant que nous pleurons, souriez à votre destinée !

 

 

Louis-Joseph DOUCET, Prologues et pensées, 1927.

 

 

 

 

 

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