Air ancien
Je viens d’entendre un air joyeux
Que chantait autrefois ma mère
Et cette voix d’une étrangère
M’a rappelé des jours heureux.
Aussi je l’ai reconnu vite
L’air qu’on chantait pour m’endormir.
Il m’apporte le souvenir
Du beau temps où j’étais petite.
Depuis, j’en ai connu plusieurs
Jeune quand je dansais la ronde,
Plus tard dans les fêtes du monde
Des chants pour étouffer mes pleurs ;
Ceux que notre ardeur poétise,
Marches de guerre, appels du cor,
Ceux de l’hymen ou de la mort
Que l’on apprend dans son église.
Refrains d’enfance ou chants d’amour,
Que d’airs remplissent notre vie !
Ce sont les nouveaux qu’on oublie,
Les anciens reviennent toujours.
Surtout ceux qu’ont chantés nos mères
En nous berçant sur leurs genoux,
Refrains qui nous semblent plus doux
Que les plus belles des prières.
Cet air que maman chantait bien,
Je pourrais vous le faire entendre,
Mais vous ne sauriez le comprendre ;
C’est pour moi seule un air ancien.
Éva O. DOYLE, Le livre d’une mère, 1939.