Mon village

 

 

De mon village, hier, j’ai parcouru la route.

J’ai revu mes amis et leurs yeux pleins de doute

M’ont fixée, inquiets, fouillant leur souvenir.

D’un passé si lointain j’ai paru revenir

Qu’en voyant tant d’oubli j’ai poursuivi ma route.

 

Les nuages passaient emportés par le vent.

Hélas ! mes souvenirs, vous aussi bien souvent

Vous fuyez loin de moi ; la tempête vous chasse

Et comme un pauvre essaim dont les ailes sont lasses,

Vous allez où s’en vont le nuage et le vent !

 

J’ai revu le clocher de notre vieille église,

Il indique le ciel et donne la hantise

D’un séjour de bonheur. Et le peuple abrité

Par cette ombre de Dieu resplendit de beauté

Quand il prie humblement dans notre vieille église.

 

Aux teintes du couchant qui doraient l’horizon

J’ai revu de plus près notre vieille maison,

Celle qui m’inspirait jadis un long poème,

Celle que l’on regrette et que toujours on aime

Belle encor sous les feux qui doraient l’horizon.

 

Mais ici-bas, mon Dieu, tout est donc éphémère !

En voyant le jardin que cultivait ma mère,

J’ai voulu me pencher et cueillir une fleur,

La fleur qu’elle aimant tant à mettre sur mon cœur,

Mais je n’ai rien trouvé. Tout est donc éphémère.

 

Aux choses du passé Dieu laisse encor la voix,

La voix qui sait parler du bon temps d’autrefois

Et dont le timbre doux chante en nous une gamme,

De ces vieux souvenirs qui retiennent notre âme.

Aux choses du passé, mon Dieu, laisse la voix.

 

De mes arbres vieillis j’ai cherché le feuillage

Pour goûter de nouveau leur salutaire ombrage,

Ils m’ont servi d’abri lorsque j’étais enfant

Et semblaient m’inviter comme en ces jours d’antan

À venir reposer mon front sous leur feuillage.

 

Ô Dieu, qui mets en nous des désirs infinis,

Las de tous leurs projets, tes enfants trop punis

Par la vie et les pleurs, les deuils et la souffrance

Se rappellent souvent les jours de leur enfance

Comme pour apaiser leurs désirs infinis.

 

Ah ! c’est qu’à flots pressés s’en vont nos destinées,

Par le poids des soucis, par le poids des années,

Trop tôt devenus vieux, nous retournons toujours

Où nos cœurs ont connu la joie et les beaux jours,

Comme pour remonter le cours des destinées.

 

 

 

Éva O. DOYLE, Le livre d’une mère, 1939.

 

 

 

 

 

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