Souvenir à la mer

 

 

Loin de la grande mer, dans ces vertes montagnes.

Avec regret peut-être à la mer j’ai pensé :

Mes premiers vers ont eu les vagues pour compagnes ;

Parmi les alcyons les vagues m’ont bercé.

 

Je retrouve la mer dans la forêt sonore

Quand les vents orageux y cadencent leurs bruits :

Je crois voir sa couleur aux bruyères que dore

Le coucher du soleil ou qu’argentent les nuits.

 

Alors je me souviens du beau cap de la Hève,

Du beau cap solitaire où je venais rêver ;

Mais je rappelle en vain mon bonheur, pauvre rêve,

Qu’aux monts, ni sur les mers, je ne puis retrouver.

 

Alors je me souviens des fleurs de marguerite,

Qu’à la Hève agitait l’âpre brise du soir.

Je disais : « Pauvres fleurs qui passerez si vite,

Auprès de vous pourquoi m’est-il doux de m’asseoir ? »

 

Et je revois encor ces tranquilles colonnes

De blancs oiseaux marins qui volaient à fleur d’eau :

Quelle mélancolie ont leurs cris monotones,

De la pâle falaise éveillant seuls l’écho !

 

Quand j’entendais, la nuit, jusque dans ma vallée,

Les vagues adorant les étoiles de feu,

Pour prier, j’entrouvrais ma fenêtre isolée,

Et j’écoutais au loin le grand concert de Dieu.

 

Et je me réveillais dans le calme des heures,

Sentant je ne sais quoi de saint dans mon néant :

Il s’élevait dans moi des voix intérieures,

Vastes comme les voix du nocturne océan.

 

Ô mer ! Dieu t’a créée, immense, solennelle ;

Tu rends le cœur plus libre et plus pur et plus fier.

Lorsqu’on t’aime une fois, c’est d’amour éternelle :

Et du sein de ces monts, je te salue, ô mer !

 

 

 

Eugène DUBOIS.

 

Recueilli dans Anthologie belge, publiée sous le patronage du roi

par Amélie Struman-Picard et Godefroid Kurth,

professeur à l’Université de Liège, 1874.

 

 

 

 

 

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