À mon ruisseau
Ruisseau peu connu, dont l’eau coule
Dans un lit sauvage et couvert,
Oui, comme toi je crains la foule ;
Comme toi j’aime le désert.
Ruisseau, sur ma peine passée
Fais rouler l’oubli des douleurs,
Et ne laisse dans ma pensée
Que ta paix, tes flots et tes fleurs.
Le lis frais, l’humble marguerite,
Le rossignol chérit tes bords ;
Déjà sous l’ombrage il médite
Son nid et ses tendres accords.
Près de toi, l’âme recueillie
Ne sait plus s’il est des pervers :
Ton flot pour la mélancolie
Se plaît à murmurer des vers.
Quand pourrai-je, aux jours de l’automne,
En suivant le cours de ton eau,
Entendre et le bois qui frissonne,
Et le cri plaintif du vanneau ?
Que j’aime cette église antique,
Ces murs que la flamme a couverts,
Et l’oraison mélancolique
Dont la cloche attendrit les airs !
Par une mère, qui chemine,
Ses sons lointains sont écoutés ;
Sa petite Annette s’incline,
Et dit : Amen ! à ses côtés.
Jadis, chez des vierges austères,
J’ai vu quelques ruisseaux cloîtrés
Rouler leurs ondes solitaires
Dans des clos à Dieu consacrés.
Leurs flots si purs, avec mystère,
Serpentaient dans ces chastes lieux,
Où ces beaux anges de la terre
Foulaient des prés bénis des cieux.
Mon humble ruisseau, par ta fuite,
(Nous vivons, hélas ! peu d’instants)
Fais souvent penser ton ermite,
Avec fruit, au fleuve du temps.
DUCIS.
Recueilli dans
Recueil gradué de poésies françaises,
par Frédéric Caumont, 1847.