Quatrains

 

 

 

Dieu tout premier, puis Père et mère honore :

Sois juste et droit : et en toute saison

De l’innocent prends en main la raison :

Car Dieu te doit là-haut juger encore.

 

                                  *

 

Avec le jour commence ta journée,

De l’Éternel le saint nom bénissant :

Le soir aussi ton labeur finissant,

Loue-le encore, et passe ainsi l’année.

 

                                  *

 

Ne va disant : ma main a fait cet œuvre,

Ou : ma vertu ce bel œuvre a parfait ;

Mais dis ainsi : Dieu par moi l’œuvre a fait,

Dieu est l’auteur du peu de bien que j’œuvre.

 

                                  *

 

Ce que tu vois de l’homme n’est pas l’homme,

C’est la prison où il est enserré,

C’est le tombeau où il est enterré

Le lit branlant où il dort un court somme.

 

                                  *

 

Il t’est permis t’orgueillir de ta race,

Non de ta mère ou ton père mortel,

Mais bien de Dieu, ton vrai père immortel,

Qui t’a moulé au moule de sa face.

 

                                  *

 

Si tu es né, enfant, d’un sage père,

Que ne suis-tu le chemin jà battu ?

S’il n’est pas tel, que ne t’efforces-tu,

En bien faisant, couvrir ce vitupère ?

 

                                  *

 

Jusqu’au cercueil, mon fils, veuilles apprendre,

Et tiens perdu le jour qui s’est passé,

Si tu n’y as quelque chose amassé,

Pour plus savant et plus sage te rendre.

 

                                  *

 

Le voyageur qui hors du chemin erre,

Et, égaré, se perd dedans les bois,

Au droit chemin remettre tu le dois ;

Et, s’il est chu, le relever de terre.

 

                                  *

 

Aime l’honneur plus que ta propre vie :

J’entends l’honneur qui consiste au devoir

Que rendre on doit, selon l’humain pouvoir

À Dieu, au roi, aux lois, à sa patrie.

 

                                  *

 

Ce que tu peux maintenant, ne diffère

Au lendemain comme les paresseux,

Et garde aussi que tu ne sois de ceux

Qui par autrui font ce qu’ils pourraient faire.

 

                                  *

 

En ton parler sois toujours véritable,

Soit qu’il te faille en témoignage ouïr,

Soit que parfois tu veuilles réjouir

D’un gai propos tes hôtes à la table.

 

                                  *

 

À l’indigent montre-toi secourable,

Lui faisant part de tes biens à foison ;

Car Dieu bénit et accroît la maison

Qui a pitié du pauvre misérable.

 

                                  *

 

Tu ne saurais d’assez ample salaire

Récompenser celui qui t’a soigné

En ton enfance, et qui t’a enseigné

À bien parler, et surtout à bien faire.

 

 

 

Guy DU FAUR DE PIBRAC.

 

Recueilli dans Poètes de la famille du XVIe au XIXe siècle, Casterman, s. d.

 

 

 

 

 

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