Prière de la neige

 

 

 À mademoiselle Stella Pouliot.

 

 

Tout est blanc d’ivoire,

Dans le parc glacé ;

Le mai même, voire,

Neige-t-il assez ?

 

Mais la neige prie,

« Ave Maria »

Ô Vierge Marie,

« Gratia plena ».

 

Tout là-haut, l’étoile

D’or fin, dans l’azur,

En brillant, dévoile,

« Dominus », bien sûr !

 

« Tecum », dit la branche,

Chantant impromptu,

L’hymne du dimanche,

Benedicta Tu

 

« Prions », dit la neige,

« In Mulieribus »,

Idéal arpège,

« Et benedictus ».

 

« Fructus » – fait le givre,

« Ventris tui » quand

L’âpre bise vibre

Son hymne éclatant.

 

« Jésus » sur la terre

Enfant frêle vient

En ce mois austère

Pour tous les chrétiens.

 

Quand la neige argente

Les toits de verglas,

Très pure elle chante :

« Sancta Maria ! »

 

Puis quand elle éclaire,

De son blanc décor,

La nuit solitaire,

Elle chante encor !

 

« Mater Dei » pleure

Le petit glaçon,

Les autres, sur l’heure,

Vont à l’unisson.

 

Sitôt que vient l’aube,

Un solennel bis

S’élève du globe :

« Ora pro nobis ! »

 

La nature entière

Est en orémus ;

Entrons en prière,

« Peccatoribus ».

 

La bise réclame :

« Nunc et in hora »

Et frigide exclame,

Air de libéra :

 

« Mortis » – un murmure...

« Nostrae » incertain...

Amen ! transfigure

Tout ce beau latin.

 

Ma muse attendrie,

Mystique, effeuilla

Cet Ave Marie

Pour nous deux, Stella.

 

 

(D’après la Prière d’un Matin bleu.)

 

 

Eulalie BOISSONNAULT, L’huis du passé, 1924.

 

 

 

 

 

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