Au poète
À la mémoire de Joséphin Soulary.
Lorsque le laboureur prend dans sa large main
Le grain qu’avec ardeur il confie à la terre,
Il connaît l’avenir, et sait qu’un lendemain
Au centuple rendra la graine solitaire.
L’homme est aussi le champ, mystérieux hymen
De l’âme unie au corps, où le Dieu tutélaire
Sème pour y germer, dans la chair qui l’enserre,
L’amour de l’idéal, le divin dans l’humain.
Le poète, en partant, poursuit sa destinée,
Nous laissant la moisson sur sa tige inclinée.
Quand la tâche est finie, ô Mort, qui donc te craint ?
Amante au froid baiser grimaçant un sourire,
Impuissante à créer, tu ne peux rien détruire.
La faux de l’épi mûr ne tranche pas le grain.
Jules DUMOND.
Paru dans L’Année des poètes en 1891.