Bonheur tardif
Bien qu’il soit resté vain, le beau rêve enchanté
De l’amour à vingt ans dans le mois des pervenches,
Je prends plaisir encore, aux claires fins d’été,
À regarder les nids oubliés dans les branches.
Puisque ce n’est point l’Aube au geste diligent
Qui de mes jours heureux doit ouvrager le tulle,
Peut-être ce sera le Soir aux doigts d’argent :
Mon Bonheur pour venir attend le crépuscule.
Je le pressentirai, le voyageur prochain,
Avant qu’il ait tourné l’angle de la vallée ;
Et je comprimerai mon cœur avec ma main.
Mon Bonheur pour venir prendra la grande allée.
Il sourira de loin, d’un doux air éperdu,
Et je défaillirai de muette allégresse.
J’aurai les cheveux blancs de l’avoir attendu :
Le Bonheur pour venir ne veut pas qu’on le presse.
Sans l’avoir jamais vu, je le reconnaîtrai.
Il clora d’un baiser ma paupière inquiète
Et de l’étroit logis où j’aurai tant pleuré
La Douleur s’en ira sans retourner la tête.
Marthe DUPUY.