Ma compagne
Ma compagne est en noir, elle a nom la Douleur ;
Et sous mes vêtements de deuil je lui ressemble.
Elle a pris mon visage et j’ai pris sa pâleur,
Tant nous avons vécu d’heures lentes ensemble.
Elle veille avec moi, dort sur mon oreiller,
Elle est la sœur fidèle et l’amie assidue.
La Providence eut soin de nous appareiller.
Pour qu’à la sentir là toujours je m’habitue.
Sur un signe, parfois, elle feint un départ ;
Mais, sachant qu’il n’est pas utile qu’elle sorte,
S’éloigne seulement un peu, si, par hasard,
Me visite un bonheur qui s’est trompé de porte.
Comme j’ai pris la joie en horreur, elle fuit
Les fêtes qui ne sont pas celles de l’enfance ;
Car, femme ainsi que moi, le beau rire qui luit
Aux dents des tout petits la laisse sans défense.
Voilà déjà longtemps que je la tiens de Dieu.
Dès le premier moment je crus la reconnaître ;
C’était un soir, j’avais gémi le triste : Adieu !
Le mot à peine dit je la vis apparaître.
Quand meurt le jour nous nous regardons longuement,
Ses mains ont pour mes mains des étreintes pieuses
Et cependant que l’ombre afflue au firmament,
Nos larmes dans la nuit coulent silencieuses.
Marthe DUPUY.