Chapelles bretonnes
À Mademoiselle C... S... Sœur Marie de la Charité.
Quand je parcours à pied le cher pays breton,
Pèlerin convaincu, sans gourde ni bâton,
Je m’arrête toujours dans les vieilles églises
Dont j’aperçois de loin les murs de pierres grises
Dans la lande déserte, ou les légers clochers
Sur la falaise, au bout des pointes de rochers.
Où qu’elles soient, mon cœur, durant la courte halte,
Sous leurs toits délabrés se recueille, s’exalte,
Et ma pensée, aimant à quitter notre sol,
Vers des cieux entrevus par elle prend son vol...
Pourtant j’ai déjà vu beaucoup de cathédrales
Aux imposantes nefs, aux jubés en spirales,
Gothiques bas-reliefs, clochetons ajourés,
Cryptes où dort l’écho, cénotaphes dorés,
Que l’art religieux des mains de ses disciples
Embellissait jadis de richesses multiples.
Mais par tous leurs trésors mes yeux étaient distraits,
L’art seul était le dieu que tout bas j’adorais !
Ici, rien de pompeux, nul faste grandiose,
Rien de l’éblouissant rayon d’apothéose.
Le luxe messiérait à l’humble voyageur
Qui lui-même guida la barque d’un pêcheur.
Lorsque l’on a franchi l’enclos du cimetière
Où chacun des défunts a sa modeste pierre,
Sous le porche avancé les vasques de granit
À vos doigts de chrétien offrent le flot bénit ;
Puis sur la dalle, où vont en subites lumières
Se peindre les reflets des débris de verrières,
Les pas résonnent, lourds, comme en un corridor.
Sur les piliers, dans leurs costumes frangés d’or,
Les images des saints ont des poses naïves ;
Les vierges sur la joue ont des couleurs trop vives,
Et les christs mutilés, des regards ébahis.
Ils n’en charment pas moins les gens de ce pays
Qui ne demandent pas aux mécréants du siècle
S’il convient d’honorer saint Roch ou sainte Thècle.
Moi, comme ces dévots dont le zèle profond
Suspendit les nombreux ex-voto du plafond,
Je prolonge à dessein ma prière brûlante.
J’y trouve pour mes maux la vertu consolante.
J’y goûte le bonheur, presque la volupté,
D’y joindre un nom chéri, mille fois répété !
Et je voudrais pouvoir faire brûler des cierges
Afin que, par les vœux des saintes et des vierges,
S’offre un port de salut, repos perpétuel,
À mon amour plus calme et plus béni du ciel.
Penmarc’h.
Léon DUVAUCHEL, Poésies, Lemerre, 1905.