Prière matinale
Ô silence merveilleux et profond
Qui plane sur les campagnes solitaires !
Les forêts seules tout doucement s’inclinent,
Comme si le Seigneur passait sur la plaine.
J’éprouve en moi une vie nouvelle.
Où sont les soucis et les tourments de la veille ?
Hier encore, ils lassaient mon courage,
Et dans ma honte j’en rougis à l’aurore.
Le monde, avec ses peines et ses joies,
Je veux en pèlerin, allègrement, le parcourir
Comme une étape qui par delà le flot du temps
Me mène à toi, ô mon Seigneur.
Mon chant, en quête des faveurs de ce monde,
S’il brigue un jour ses viles et vaines récompenses :
Que brisé soit mon luth, et tremblant devant toi,
Ma muse se taira pour l’éternité.
Joseph von EICHENDORFF, Poèmes religieux.
Traduit de l’allemand par Albert Spaeth.
Recueilli dans Eichendorff, Poésies,
préface et traduction
par Albert Spaeth, Aubier, 1953.