Printemps du poète
Quand dans le murmure délicieux des arbres,
Sur les montagnes, sur les lacs,
Immobiles dans l’éclat du soleil,
De tièdes ondées tombent en murmurant,
J’aime rester à écouter, ivre de ferveur.
Car autour des collines qui retrouvent leur fraîcheur
Je sens monter, je sens descendre
Les vents, ailes de Dieu,
Et moi-même je me sens naître des ailes
Quand paisible je respire cette grâce nouvelle.
Comme le malade s’éloignant du seuil
Enfin de retour dans la tiédeur
De l’air tend son souffle, tend ses bras,
Et sent les flots de la vie laver
Tout son corps dans la clarté :
C’est ainsi qu’une vie nouvelle
Souvent vient à moi, du haut du ciel,
Et je vois à mes yeux toutes mes aspirations
Planer, légères, inaltérables,
Parmi la confusion foisonnante de la vie.
Tout veut resplendir dans cette renaissance,
Que le poète erre parmi les ombres,
Parmi les pâturages couverts de fleurs,
Qu’il pense aux temps maintenant révolus,
Aux amis désormais lointains, frémissant de désir,
Et les rêves s’entretissent
Comme d’eux-mêmes pour l’ouvrage des Muses,
Et tout autour les montagnes, les fleurs, les arbres,
Grandissent dans les espaces sereins
Au gré de la mélodie au fond du cœur.
Joseph von EICHENDORFF, Dernier retour,
Orphée / La Différence, 1989.
Traduit de l’allemand par Philippe Giraudon.