Renouveau poétique
Quand les arbres doucement murmurent,
Quand les montagnes et les étangs,
Inondés de soleil,
Ruissellent sous la tiède pluie,
Mon âme en extase est attentive.
Autour des coteaux rafraîchis,
Il me semble entendre alors
Monter et descendre
Le souffle de la brise,
Comme les ailes de Dieu.
Je me sens pousser des ailes, et en silence
J’accueille la nouvelle bénédiction.
Tel un convalescent, quittant sa chambre de malade
Et étreignant enfin la tiède brise
De ses mains et de son cœur,
Tel le flot de la vie
Entraînant ses membres vers la lumière,
Ainsi une vie nouvelle
Souvent descend sur moi du ciel.
Et je vois flotter devant mes yeux,
Limpides et éternelles,
Les aspirations de mon âme,
À travers la bruyante agitation de la vie.
Tout alors s’épanouit
Dans une nouvelle splendeur,
Et le poète, qu’il erre dans la nuit
Ou qu’il chemine parmi les prés fleuris,
Songe avec ardeur au passé, aux amis lointains.
Et de ses rêves entremêlés, sans effort,
Surgit l’œuvre des muses,
Et les monts, les fleuves, les arbres alentour
S’élancent dans l’espace lumineux
Selon la mélodie du cœur.
Joseph von EICHENDORFF, La poésie et la vie.
Traduit de l’allemand par Albert Spaeth.
Recueilli dans Eichendorff, Poésies,
préface et traduction
par Albert Spaeth, Aubier, 1953.