Défi
Il faut longer les quais et tendre les filins
Il faut, sur les galets, crisper sa solitude
Il faut rythmer son pouls aux battements des flots
Il faut râper son cœur aux cris des naufragés
Il faut user sa chair aux meules de la vie
Il faut signer le phare et larguer sa chanson.
Il faut cogner sa peur aux pieux de l’estacade
Il faut lorgner la rive où s’aiguise un appel
Il faut boire son vin au bar des amertumes
Il faut lever son verre aux rêves qui s’enlisent
Il faut laver le ciel autour de ses blessures
Il faut écouter Dieu aux conques de l’espoir.
Il faut bisser le vent qui chante les partances
Il faut dresser les mâts, ensuite lever l’ancre
Il faut riser la voile aux souffles des sirènes
Il faut fendre la vague à coups de cœur battant
Il faut jeter sa gangue aux gueules abyssales
Et puis, le torse nu, braver les ouragans !
Jacques ÉLAN,
L’archet brisé,
Unimuse, 1958.