Le vieux Bon Dieu

 

 

Entre les peupliers, dont nul ne sait plus l’âge,

Où l’ombre sanctifie un timide gazon,

Un Bon Dieu patiné par la main des saisons,

Étire sur la Croix ses frêles cartilages.

 

Le Temps a démarqué les mots de l’écusson,

La Couronne n’est plus qu’un vague bosselage,

Seule, la Plaie au flanc saigne encor sur l’herbage,

Mais le tout est paré du sublime frisson.

 

Combien de fois au pied de cette croix rustique,

Paysan de chez nous, dont l’âme est si mystique,

Reviendrez-vous encor pencher vos fronts têtus?

 

Devant ce corps meurtri si pauvrement vêtu,

Ici, sans ostensoirs, sans rites ni cantiques,

Sous le ciel gris ou bleu, chaque heure est liturgique.

 

 

 

Jacques ÉLAN,

L’archet brisé,

Unimuse, 1958.

 

 

 

 

 

 

 

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