Annonciation
Une vie où rien ne passe
Un jardin clos
Un matin comme les autres
Fait de menus travaux
(Pourtant il n’est pas dit
Qu’elle s’est étonnée
Tant vivent l’un chez l’autre
Le ciel et sa pensée)
L’Ange de la Face
Tremble dans ces yeux
Si clairs qu’ils lui cachent
La vue de Dieu
Plus que le plus grand Ange
Ô transparente Ô comblée
Ô saturée de Dieu
Je te salue
Paisible matinée
Verger sous sa rosée
Lieu de sa sainteté
Je te salue
La limpide se trouble
Cherche l’ombre des cils
Un soleil s’ouvre en elle
Cœur qui l’éblouit
Nuit très pure ne crains point
C’est de toi que l’aube point
C’est de ton obscurité
Que naît le soleil des mondes
En son nom d’Emmanuel
Le resplendissant se cache
Ta parfaite humilité
Enfante la Majesté
Le Fils que tu concevras
Sera Sauveur Juge et Roi
Sur Jacob il règnera
Fils de David né du Père
La très sensée prend peur
De l’impossible
Pauvre fille en piètre lieu
Je ne connais point d’homme
L’Esprit Saint te couvrira
Tel un vent fort qui retombe
Sur ta bouche il posera
L’aile de son ombre
Marie pleure en silence
Et livre à Dieu sa pudeur
Sa totale confiance
Tout abîmée de terreur
Elle ouvre sur l’Ange
Ses yeux neufs très anciens
Vaste verte l’Origine
Attend le vent
Voici la servante du Seigneur
Qu’il me soit fait selon ta parole
Elle baisse les yeux
Croise les mains un peu
Puis reprend son ouvrage
Pierre EMMANUEL.
Recueilli dans Notre-Dame des poètes,
anthologie réunie et présentée par Joseph Barbier
(Robert Morel éditeur, 1966).