Le Verbe au monde est venu
Le Verbe au monde est venu
Au monde créé par lui
Et le monde ne l’a pas connu
Le Verbe est venu chez lui
Les siens ne l’ont pas reçu
Les siens lui ont fermé l’huis
Mais le Verbe donne à ceux
Qui l’ont connu et reçu
D’être les enfants de Dieu
Élus de l’avoir élu
Vertigineuse nature
Dieu se faisant créature
Originel Oméga
Amen de l’ultime Alpha
Il est le centre amoureux
Cœur où Dieu jaillit de Dieu
Amour fait homme afin que l’homme
Soit le propre à jamais de Dieu
Vrai Dieu vrai homme entre les hommes
Plein de grâce et de vérité
Nous avons vu sa gloire
En son humilité
Dans l’éblouissement caché
Où la Parole donne à croire
Sa toute simplicité
Nous qui savons que du Verbe
En des mots quotidiens
Fragmenté comme le pain
La foule assise dans l’herbe
Fut nourrie et les moineaux
Veillons à traiter les mots
Comme l’Un traita les miettes
De ce pain le plus commun
Substance même de l’Un
Puisque l’Un en s’incarnant
Sacre la parole humaine
Ces mots sans cesse émiettés
Dans l’âme avant qu’ils ne viennent
À nos lèvres s’effriter
Sans rien entre eux qui les tienne
Tiennent en eux l’Unité
Origine oiseau-soleil
Dont l’homme n’est que la cendre
Christ-Phénix daigne reprendre
À partir des mots cendreux
Où couve étouffé ton feu
Feu liant notre poussière
Allume en nous consumant
L’invisible et rayonnant
Que nous ne pouvons parfaire
Qu’en nous anéantissant
Pierre EMMANUEL, Évangéliaire, 1961.