Cantique de Zacharie
Celui qui parlait sans entendre
Et priait sans avoir la foi
Eut la langue liée neuf mois
Réduit pour se faire comprendre
À quelques signes maladroits
Comme il s’était montré peu digne
Que Dieu lui parlât clairement
Il dut apprendre durement
Que même les plus clairs des signes
Ne rencontrent qu’aveuglement
Il ne savait plus ses Prophètes
À force de les réciter
Muet il dut les méditer
Et de leurs paroles concrètes
Déchiffrer la simplicité
Ne pouvant lui parler au temple
Il dut écouter Dieu chez soi
Comme il était un homme droit
D’Élisabeth il prit exemple
Dans le silence de la foi
Si bien qu’en lui l’antique attente
Se concentra près de finir
Son cœur eut peine à contenir
L’expectation culminante
Le tout imminent avenir
Jusqu’à ce que jaillit du chantre
Muet à se briser les dents
Un chant plus brusque qu’un volcan
Au moment même où de son ventre
Elisabeth expulsait Jean
Précédant son Dieu comme Elie
Lui frayait à vif un chemin
Ce fut Jean qui trancha le frein
De la langue de Zacharie
Pour annoncer Celui qui vient
Pierre EMMANUEL, Évangéliaire, 1961.
Recueilli dans Cinq mille ans de prière,
textes choisis et présentés par Dom Pierre Miquel,
Desclée De Brouwer, 1989.